UNE SPIRALE : TRANSMISSION ET CRÉATION
UNE SPIRALE : TRANSMISSION ET CRÉATION
Avec mon séjour d'études en Chine, le coup d'envoi était lancé. J'avais trop investi intellectuellement, esthétiquement, émotionnellement pour lâcher prise. A mon retour en France, je me lançais à corps perdu dans les études de chinois. Mes connaissances en russe et en anglais s'évanouissaient. Les étagères de ma bibliothèque personnelles se remplissaient petit à petit d'ouvrages sur la langue et la civilisation chinoises. Ils étaient aussi mon refuge car mon amour s'en était allé et je ne pouvais plus me permettre de penser à lui. La vie nous réunit plus tard à nouveau mais ce ne fut pas aussi enchanteresque qu'avant. J'étais probablement trop enchinoisée et nos relations avaient perdu de leur spontanéité et de leur fraîcheur. Elles étaient même devenues graves. Il avait rencontré des problèmes et cela avait fini par nous distancer pour la deuxième fois.
Tout ce que je faisais, je le faisais à fond : aussi bien les études sinologiques que je poursuivais que mon métier de professeur. J'aimais ce que je faisais mais je ne pensais jamais en termes de promotion. Pourtant je donnais les mêmes cours que mes collègues titulaires en fac mais je ne comparais jamais ma situation de chargée de cours avec la leur beaucoup plus confortable à tous points de vue (salaire et nombre d'heures d'enseignement hebdomadaires). J'agissais plutôt en termes de rayonnement : faire connaître la Chine et sa culture, faire découvrir le même cheminement culturel que j'avais connu et qui m'avait procuré tant de satisfactions. Je ne me privais pas non plus de découvertes tout en assurant la transmission de mes connaissances et m'intéressais tout autant au mystère de la langue en participant pendant plus de douze ans à une équipe de recherches pédagogiques[1] afin d'étudier plus à fond les mécanismes de la langue chinoise et rendre ainsi le plus abordable possible son apprentissage. Avec d'autres collègues, j'en vins, à la demande du Ministère de l'Éducation nationale et sous l'égide de Joël Bellassen, premier inspecteur général de chinois, à établir des programmes scolaires[2]. Il va s'en dire que mon travail de réflexion permanent sur le chinois me conduisit appliquer le fruit de mon expérience et à rédiger deux sortes de manuels[3], des outils pédagogiques comme des cahiers d'écriture, des lexiques, à concevoir des exercices très ciblés pour permettre aux élèves de progresser. La dernière page de ce blog retrace toutes mes publications
L'esprit de création ne m'a jamais quittée et j'étais toujours à la recherche de ce qui pouvait bien concourir à l'amélioration des conditions de l'enseignement et de l'apprentissage du chinois. Il n'y a pas vraiment une seule personne dans mon entourage professionnel qui a pu prendre la mesure de l'étendue de mes centres d'intérêt pour la langue et la culture chinoises. Cela relevait pour moi de l'intime. Je sais simplement qu'il ne pouvait pas y avoir de reconnaissance venant de l'extérieur car de toutes façons l'agrégation de chinois ne fut mise en place qu'en 1999, à l'âge où j'aurais pu prendre ma retraite. Mais je n'avais pas cumulé assez de points sur le plan statutaire. Je continuais encore sept ans à enseigner…. Un jour, très peu de temps avant l'âge vraiment limite pour quitter mon poste d'enseignante, j'appris que j'avais été promue au rang des agrégés. Ce fut peut- être ma seule et unique promotion dans ma carrière dans la mesure où je fis un bond considérable dans mon statut. Être capes– ienne, cela relevait des efforts fournis et d'une somme de connaissances impressionnante. Être agrégée était comparable à l'obtention d'un trophée ! J'eus enfin l'impression d'être reconnue !
[1] Plus exactement à une équipe sur la didactique des langues dans le cadre de l'Instititut national de recherche pédagogique
[2] Ces programmes concernant la classe de Seconde et le cycle terminal sont à la fois parus au Bulletin officiel du Ministère de la jeunesse, de l'Éducation nationale et de la Recherche et au Centre national de documentation pédagogique
[3] Un commercialisé, Ping et Pang, aux Editions Ellipses en 2002 puis réédité en 2012 et l'autre correspondant à des fascicules représentant 1700 pages éditées par le Centre national d'enseignement à distance.
[4] Il est possible de se procurer un court métrage de ce reportage à l'Ina
[5] Cet établissement prit le nom d'Inalco en 1970 (Institut national des langues et civilisations orientales).
[6] Encore à la veille de cette déclaration, de Gaulle n'avait pas averti son gouvernement. Ce fut la surprise générale