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Catherine Meuwese
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QUAND LE DESTIN VOUS RATTRAPE

 Dans les années 60, il était beaucoup plus difficile de trouver quelques heures d'enseignement du chinois  dans le Secondaire (les rectorats  considéraient cet enseignement comme un luxe) qu'à l'Université où certaines disciplines, dites rares comme le chinois, étaient considérées comme nécessaires pour compléter la panoplie des sciences humaines. Mon premier emploi fut donc à l'Université, à la Sorbonne plus exactement . Mais n'étant titulaire que d'une licence puis d'une maîtrise je ne pouvais prétendre qu'au titre de chargée de cours (c'est-à-dire payée au nombre de cours effectués- et selon un tarif plutôt bas)  et non pas salariée. J'étais à peine plus âgée que l'ensemble des étudiants mais mon enseignement à la Sorbonne puis à Paris VII se déroula très bien. Mais ce qui devait devenir mon destin me rattrapa. En 1969,un groupement horaire supplémentaire fut crée à Montgeron en dehors du cours de langue qui existait déjà. Je fus proposée pour assurer les cours et je ne refusais pas de le faire car je gagnais toujours pas convenablement ma vie. Ma tâche consistait à enseigner la civilisation chinoise. C'est ainsi que je fis mon baptême de professeur dans le Secondaire. Dans toute la France nous n'étions même pas cinq  professeurs  Je sentais qu'il fallait gagner la partie. Si le professeur n'était pas motivé, la discipline disparaissait à coup sûr avec lui. Intéresser les élèves était le minimum qu'on pouvait me demander mais  la spécificité de la culture chinoise vint à mon secours. Les élèves vivaient des découvertes insoupçonnées et cela les riva  à mon enseignement. Les commentaires et les questions fusaient, les yeux brillaient et l'échange avec eux était  sans commune mesure. Et lorsque je préparais mes cours, j'étais à l'affût du détail insolite ou de l'inimaginable pour un esprit occidental. Mais au cours de 36 ans de carrière que ce soit en civilisation ou en langue, il y eut quand même des élèves  qui lâchèrent prise car il leur fallait  fournir parallèlement du travail à la maison. Il y eut  aussi des chefs d'établissement qui me considéraient comme une extra– terrestre et qui ne me facilitèrent pas le travail. J'aurais plusieurs anecdotes à raconter à ce sujet.

     A partir du moment où je faisais partager une passion ou un centre d'intérêt qui m'absorbait complètement,  je ne négligeais aucune de mes charges de travail que ce soit à l'adresse d'étudiants ou de lycéens mais je vivais avec un souci majeur, celui de n'être pas reconduite dans mon emploi car je n'étais pas titulaire. Je pense cependant que l'attente des étudiants était plus forte en connaissances que celle de lycéens, et que je me réalisais davantage avec eux car il me fallait aller toujours pousser plus loin mes compétences et cela avait un côté enivrant. La routine ne pouvait  prendre le pas dans mon enseignement à l'université. Et les étudiants par la diversité de leur formation (ils pouvaient être linguistes, mais aussi géographes, historiens, archéologues etc...) m'apportaient  autant que je leur apportais. Leurs questions  alimentaient le dialogue avec eux et enrichissaient  le cours. Si bien que je n'ai pu me passer de continuer à assurer des cours à l'université comme chargée de cours mais ma fonction principale se déroula dans le Secondaire, d'autant plus que je fus finalement amenée à me présenter au Capes de chinois qui m'assura enfin le statut de titulaire pour le Secondaire (cf. "Un choix pour la vie", page 2).

J'ai intitulé ces pages "Quand le destin vous rattrape" car durant toute ma carrière, sans vouloir faire du prosélytisme, j'ai voulu mettre à la portée de ceux qui s'intéressaient de près ou de loin à la Chine, les moyens de mieux la connaître, sur le plan de la langue mais aussi sur le plan de la civilisation. Je possédais les outils, je savais par quel bout m'y prendre, j'avais du recul  et probablement que j'étais destinée de toute façon à être enseignante et non pas àêtre chercheur dans une tour d'ivoire. Il suffisait  que quelqu'un autour de moi s'intéresse au chinois pour que je lui livre les clés  de l'accès à la langue. Si j'ai été aussi attirée  par l'enseignement dans le secondaire, c'est parce que j'avais l'impression d'offrir l'oportunité à ceux qui à l'époque n'avaient aucune possibilité de s'ouvrir à ce pays. Lorsque moi– même je me mis à apprendre le chinois à l'Université en 1962, plus exactement à l'École nationale des Langues orientales, n'importe qui, dans la France entière pouvait le faire. Il suffisait d'aller à Paris (enfin je reconnais que cela n'était pas si simple, si on habitait la province) mais un lycéen,  que pouvait– il espérer ?

C'est pourquoi lorsque je fus sollicitée par des parents de tout jeunes enfants de les éveiller à l'écriture chinoise, aux sons du chinois, je mis tout en œuvre pour que cela se fasse. Je le fis dans le cadre associatif. Une salle fut trouvée dans un salon de thé chinois, ainsi qu'un professeur : ce fut l'assistante du Lycée de Montgeron [1]. Plus tard, le nombre d'enfants augmentant et un certain nombre d'adultes voulant aussi s'initier à la langue, je demandais à la Mairie de Montgeron qu'on nous prête des salles. Plus tard encore, un professeur de calligraphie me sollicita pour que l'Association organise des cours de calligraphie. Et enfin, plus tard encore, un professeur de Taijiquan me convainquit  d'instaurer des cours. De moi– même, j'organisais un cycle de conférences sur la civilisation chinoise avec de beaux thèmes comme "Confucius, l'art de vivre et de gouverner" ou "L'esprit et l'art du jardin en Chine" ou la "Route de la Soie".

Je ne m'attendais pas à ce que ces initiatives prenne une telle ampleur. Elles  se déroulent actuellement sous   l'enseigne de l'Association "Terres de Chine" dont je suis la présidente. Elle a déjà ving trois ans d'existence à l'heure où ces lignes sont écrites.

Lorsque le Vice ministre de l'Education chinois, HAO Ping, me congratula pour ma participation au rayonnement de la langue et de la  culture chinoise dans grand auditorium de la Bibliothèque nationale de France, avec d'autres sinologues, il ne savait pas que parallèlement  à ma vocation d'enseignante de chinois et de témoin de cette longue histoire de l'implantation de l'enseignement du chinois en France, je veillais  à ne jamais refuser l'accès de la connaissance chinoise à mes compatriotes, qu'ils fussent de petits enfants de 4 ans ou des adultes largement à l'âge de la retraite. D'ailleurs, l'Association Terres de Chine a été choisie dans la ville berceau de l'enseignement du chinois, c'est-à-dire Montgeron, pour initier les tout petits de toutes les maternelles de la ville aux rudiments de la culture chinoise dans le cadre des activités périscolaires. De toutes les satisfactions que j'ai pu avoir dans ma carrière, cela est l'une des plus grandes.

 

 



[1] Un tout premier article dans la presse  s'empara de cette innovation. Il en eut d'autres par la suite

 

B

 

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